- By Lucie Tournebize
- 17 juin 2023
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Venise est notre voisine, allons-y en train
Voyager entre la France et l’Italie sans prendre l’avion, que ce soit pour le plaisir ou pour le travail, c’est possible et souhaitable pour envisager le voyage de façon durable.
Lucie Tournebize est journaliste, autrice de l’Italie en train et a choisi d’arrêter l’avion. Elle nous raconte :
J'arrête l'avion
Depuis 2019, je n’ai plus pris l’avion pour mes déplacements entre la France et l’Italie.
J’habitais encore à Venise quand j’ai pris cette décision.
Entre temps, je me suis déplacée d’une trentaine de kilomètres, à Padoue, ancienne cité vénitienne qui me rappelle la ville lagunaire chaque fois que je traverse la Piazza dei Signori et sa tour de l’Horloge.
Ma famille est à Sète, je vais donc parler d’abord de cet exemple. Ce serait beaucoup plus simple si j’étais parisienne, ou lyonnaise, mais ce n’est pas le cas !
Que je sois à Padoue ou à Venise, ça ne change pas grand chose concernant mes possibilités de transport pour me rendre en France.
Avant, je prenais le bus pour arriver avec une à deux heures d’avance à l’aéroport Marco Polo, où j’embarquais à bord d’un vol pour Marseille.
Une heure et demie plus tard, l’avion secoué par le mistral, nous atterrissions au bord de la méditerranée.
Là, une navette m’emportait jusqu’à la gare de Vitrolles, où j’attendais un TER.
Direct, avec un peu de chance. Sinon, après changement en gare d’Avignon, j’arrivais enfin à Sète.
Total de l’opération ?
Sept heures de trajet environ, porte à porte.
Long, fatiguant, pas toujours économique puisqu’aux vols low-cost, s’ajoutent les billets de train et de navette.
Puis j’ai décidé d’arrêter, et d’essayer de rentrer via terre.
Pas si simple : de Padoue ou Venise, je me rends à Milan, où je prends un train pour Lyon.
De là, un troisième train m’emmène à Sète.
Parfois, les horaires ne permettent pas de changer à Lyon, et il faut passer par Chambery, puis Valence pour récupérer le TGV.
Total de l’opération ?
Une dizaine d’heures de voyage porte à porte. Long, fatiguant, pas toujours bon marché non plus.
Avant, je passais par Marseille et Gênes grâce au Thello, qui parcourait toute la côte d’azur,
mais depuis 2020, ce train a été supprimé, de même que le Paris-Venise en train de nuit, opéré par la même compagnie.
Pour vérifier les temps de trajet et les parcours, l’outil Rome2Rio est très utile.
Petits bonheurs ferroviaires
Le train marque tout de même pas mal de points, à commencer par son relatif silence par rapport à l’avion et ses moteurs bourdonnants.
Dans le train, le temps long est mis à profit du travail ou du repos de façon réellement efficace. Je repense aux romans commencés en gare de départ et terminé le soir, à l’arrivée.
L’impression d’avoir passé une journée entière dans un univers parallèle. Au hublot étroit et convoité, je préfère les fenêtres des trains, qui laissent à tous la possibilité de se perdre en contemplation face aux sommets enneigés des Alpes.
Aux plateaux repas hors de prix des compagnie low-cost, je préfère les pauses café en voiture bar, propices aux conversations et aux rencontres.
Enfin, mes valises remplies de cadeaux comestibles, bouteilles de grappa pour mon père, sauces, condiments ou autre gourmandises italiennes, sont ravies de ne pas avoir à passer par la soute d’un avion, service vendu trop cher par la plupart des compagnies.
Un bilan carbonne éloquent
Enfin, n’oublions pas : le bilan carbone du train est bien inférieur à celui de l’avion. Grâce au site Avenir Climatique, j’ai calculé le bilan de mon trajet Venise-Sète en train, puis en avion, en tenant compte des différents transports nécessaires évoqués plus haut.
C’est sans appel : en train, mes émissions de CO2 s’élèvent à 2,3 kg, contre 139,5 kg en avion !
Et mon portefeuille alors ?
Je ne le nierai pas non plus, voyager en train coûte souvent un peu plus cher. Mais en envisageant les choses autrement, on change aussi de point de vue sur le
low-cost.
Qu’est-ce qui est soutenable pour mon porte-feuille et la planète ? Certainement pas d’enchaîner les séjours à l’étranger. Si l’on accepte de voyager moins souvent, le surcoût lié au train devient envisageable.
Vouloir voyager durable sans rien changer de nos habitudes carbonées me semble un contre-sens impossible à mettre en œuvre.
Venise en train, la base d’un tourisme durable
Sans le vouloir, le train nous enseigne à apprécier la lenteur, à ne pas être pressés, impatients, capricieux. Il nous offre du temps pour regarder, penser, réfléchir.
Une attitude qui devrait ensuite se refléter sur le touriste que nous serons, à l’arrivée. Un touriste qui observe,
dialogue, échange, partage au lieu d’exiger, de consommer. Bref, un voyageur curieux plutôt qu’un client à satisfaire.
Bien sûr, on peut avoir cette attitude sans avoir nécessairement pris le train, les transports n’ont pas un tel pouvoir de transformation !
Mais depuis que j’ai envisagé ce changement comme une réflexion de fond, j’ai l’impression qu’elle contamine d’autres domaines de ma vie, qu’elle transforme plus d’une de mes approches au monde.
Pour mieux voyager et changer réellement la donne, je crois donc qu’on devrait commencer par prendre le train.
Une porte ouverte sur toute l'Italie
Une fois qu’on y prend goût, le train ne se contente plus de nous amener de la France à Venise.
Puisqu’on passe par Turin, on s’arrêterait bien visiter la ville, boire un chocolat chaud et monter au sommet de la Mole.
Et si on prenait un train régional, pour explorer Asti ou Bra,
gourmandes localités piémontaises ?
De passage à Milan, on peut aussi sauter dans un train de
nuit, et écarquiller les yeux au réveil face aux splendeurs baroques de Lecce dans les Pouilles.
De Venise, se laisser tenter par Trieste, à une heure trente de train régional, le long de l’Adriatique.
Tant de possibilités de voyage qui m’ont conduite à écrire l’Italie en train, guide et récit de voyages sur les lignes régionales de toute l’Italie.
Lucie Tournebize
L’Italie en train de Lucie Tournebize
Editions Hachette
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