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Venise sortira des ténèbres...

Venise vide, Venise sublime, Venise paralysée. Voici comme nous pourrions caractériser la Sérénissime.

Lorsqu’on débarque à Venise, il se peut que l’on soit accueilli par le caïgo, un épais brouillard, telle une métaphore de sa situation.  Plongée dans les ténèbres, Venise est-elle vouée aux Enfers ?

En arrivant, on est loin du tohu-bohu habituel de ses 30 millions de touristes par an. On entend parler uniquement italien, et même vénitien. En tant qu’étudiante Erasmus en économie et gestion des arts et de la culture, un paradoxe me frappe. Il est si agréable de découvrir Venise sans cet afflux de monde, ce tourisme de masse. La baisse de fréquentation lui permet de respirer un peu soit-il. 

Et, il est tout aussi triste de contempler une Venise perdue de son activité touristique, pilier de son économie, de sa vivacité. Il est morose de voir certains de ses commerces fermés, ses lieux culturels clos, ses rues vides… 

Mais l’énergie renait de ses habitants, de sa vie locale. Au lieu de faire la queue sur le Rialto, on observe les enfants jouer aux ballons sur les campo. La Venise internationale devient une Venise locale. La course effrénée pour voir le plus de choses possibles devient une déambulation freinée où l’on prend le temps de découvrir la beauté de la ville, de son architecture et de ses curiosités. L’ambiance y est douce, rythmée par une place Saint Marc déserte, un spritz entre étudiants au campo Santa Margherita et un coucher de soleil à Zattere.

Malgré la situation épidémique, il est surprenant que les étudiants italiens et internationaux ne désertent pas la ville et qu’en dépit de la fermeture des bars en fin d’après-midi, les liens sociaux continuent de se tisser… jeunesse italienne et jeunesse étrangère partageant des moments de vie ensemble.

En outre, à l’heure où les lieux culturels, qui font l’essence même de Venise peinent à rouvrir, (seulement certains musées réouvrent après plus de 3 mois de fermeture), et à l’heure où certains commerces sont à l’abandon, Venise résiste.

Ville d’art, elle ne mourra pas, portée par ses habitants. C’est ce qui en démontre le projet « Off / On Presenze- Absenze », conçu par Gualtiero Dall’Osto et Giovanni Pulze, artisans dans le quartier de San Polo, après avoir lancé un appel auprès des artistes et propriétaires de commerces.

Le premier objectif de cette initiative est de redonner vie aux vitrines des commerces vacants, que la pandémie a vidées, par l’exposition d’œuvres d’art. « On dit que la beauté sauvera le monde, mais qui sauvera ceux qui créent la beauté ? », telle est l’interrogation clamée par les fondateurs du projet et affichée en vitrine.

Il en est alors du deuxième objectif, donner de la visibilité aux artistes, eux aussi fortement impactés par la crise, en leur donnant une chance d’exposer leurs œuvres.  

On peut retrouver cette initiative dans plusieurs rues de Venise, par exemple à la Calle della Mandola, où Anna Brondino a prêté ses boutiques à une poignée d’artistes dont Paolo Franzoso, Marco Rizzo, Aldo Pallaro, Ivana Burello et Luciana Zabarella. Les vitrines sont accordées aux peintres et sculpteurs, gratuitement, jusqu’à ce que le propriétaire du bien trouve un nouveau locataire.

Les fondateurs du projet rêvent d’en avoir au moins trente dispersées dans toute la ville, créant ainsi une grande galerie itinérante, une mini-biennale… une sorte de paradis retrouvé.

Lise Darnige